Les croix boulées
29/01/2021par Paul Bastien
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Présentation.
Elles sont très discrètes ces inscriptions, dans la pierre sur certains murs. On les découvre par hasard, on les a certainement déjà vues sans y prêter attention.
Dans notre village il en existe un exemplaire sur le montant en grès d’une porte de grange. Ce sont des figurines gravées en creux, en traits simples et rustiques, sans aucune recherche artistique.
Parmi ces inscriptions lapidaires, on distingue nettement deux types de gravures, le trait ou bâtonnet et le point ou boule.
Dans notre cas il s’agit essentiellement de la représentation de croix, plus ou moins stylisées suivant le cas. D’une manière générale les extrémités des traits se terminent par un point ou boule gravé en creux, certainement par un poinçon.
Nous y trouvons aussi un cœur surmonté d’une croix et même peut-être une lettre « P » encadrée de deux points.
Photos : collection personnelle
La date « 1826 » est certainement postérieure aux gravures initiales. Elle n’est pas de la même facture que les autres signes.
L’interprétation de ces figures est bien délicate. Cela ressemble à un langage qui pour le moins est très hermétique.
Il n’existe aucune définition officielle.
Le sociologue Serge BONNET dans son ouvrage « Le patois des croix » a fait une approche pour trouver une signification à ces inscriptions.
Sans apporter une explication définitive il a émis quelques suggestions sur ce sujet. Essayons d’en extraire les points principaux.
La typologie des gravures.
Comme nous l’avons remarqué précédemment, l’essentiel de ces représentations est le trait ou bâtonnet et le point ou boule. Les figures sont très souvent des croix aménagées de différentes façons. Nombreux sont aussi les formes géométriques, carrés, rectangles, triangles dont les sommets son soulignés par une boule. Nous trouvons aussi des nappes de points disposées en carré, rectangle, triangle, cercle, spirale …
Dans certains cas ces formes sont entrelacées ou accolées.
Rares sont les représentations d’objets. Dans le cas présenté, nous avons un cœur.
Hypothèse sur la symbolique.
D’une manière générale les symboles sont plutôt d’ordre religieux. La localisation prédispose aussi à cette interprétation. Les cimetières entourant souvent les églises dans les villages ou petites communautés, on serait tenté de dire que ces inscriptions sont liées au culte des morts.
Dans certains cas ces signes sont des marques, sans caractère religieux ni figuratif. Elles laissent penser à des marques de tailleurs de pierre, de maçons ou de compagnons du tour de France des métiers.
D’autres interprétations sont envisageables. Comme nous sommes à proximité d’églises, il s’agirait de pèlerins qui ont laissé leur marque de passage.
On pourrait même à l’extrême limite imaginer des vagabonds, chemineaux maniaques du tatouage qui ont laissé leur trace …
Localisation.
Géographiquement, ces inscriptions se retrouvent dans un grand quart nord-est de la France. L’auteur n’en a pas trouvé trace dans d’autres régions. Selon lui, ces signes sont antérieurs au 19ème siècle. Il nous fait remarquer que nous n’y trouvons pratiquement jamais de lettre ou de chiffres. Au 17ème ou 18ème siècle, peu de personnes savaient écrire donc les graphismes étaient plutôt symboliques.
Ces signes se rencontrent sur les murs extérieurs des églises, des chapelles, sur des pierres tombales, sur des calvaires ou croix des champs. Quand il s’agit d’une église on les retrouve sur le chambranle de la porte d’entrée, près du porche ou sur un contrefort.
Dans le cas présenté la pierre en grès du montant de la porte de grange est certainement une récupération d’une ruine de chapelle ou pierre tombale détruite. Elle n’a apparemment aucune raison d’avoir été produite sur place, ce serait un cas particulier.
Dans la localité voisine de Faulquemont ou plus exactement dans le cimetière Saint-Vincent nous trouvons des inscriptions lapidaires sur le montant de la porte d’entrée de la chapelle. Elles sont du même type que celles rencontrées à Vahl, mais plus complexes. A l’évidence de signification religieuse.
Il en existe d’autres sur l’ossuaire du cimetière.
Photos : collection personnelle
Cette analyse proposée n’est qu’un survol très succinct sur ce sujet.
Sur le plan local elle mériterait une étude plus approfondie.
Elle s’appuie sur l’ouvrage de Serge BONNET.
Les auteurs de l’ouvrage « Vahl-lès-Faulquemont, le village son histoire » avaient abordé ce sujet. Une étude plus poussée serait à envisager. Mais ceci reste encore à faire …
Paul BASTIEN.
Bonjour,
Je reviens de Domme en Dordogne, où j’ai pu voir des « graffitis » du 14 ème dans une des tours de la porte des deux tours, notamment des croix boulées. Il y a bien d’autres inscriptions, croix, crucifix… Tous ces dessins n’ont pas encore fait l’objet d’une étude moderne et c’est désolant. Ces dessins ont été attribués aux templiers,
En espérant que mon message résonne.
https://www.bing.com/search?q=domme+graffitis+porte+des+deux+tours&form=ANNTH1&refig=f9a41cf36d054332ae45f6a2fe873277
M Lemans
Bonjour.
Comme vous, je me suis intéressé à ce sujet. Je suis persuadé que ces inscriptions ou « graffitis », existent un peu partout en France et même peut-être ailleurs. Et pourtant, peu d’études ont été entreprises. J’ai cherché et je n’ai pas trouvé grand-chose.
Je ne sais pas s’il faut attribuer ces dessins aux templiers. Cela semble plutôt être un genre de croix votive ou encore un boulier ou tableau de bord de fossoyeur …
Ne désespérons pas, un jour un archéologue se réveillera !!!
P. BASTIEN
Bonjour,
Une étude sur les traces du pèlerinage jacquaire à travers le territoire de l’ancien Bas-Poitou (l’actuelle Vendée) m’a conduit à relever des croix boulées sur une trentaine d’églises anciennes en calcaire tendre (mais je n’ai pas encore trouvé, pour le moment, la clé qui me permettrait de confirmer, _ou d’infirmer_ l’hypothèse d’un lien avec les grands chemins de pèlerinage).
La mise en commun de toutes ces relevés (photo)graphiques à l’échelle de notre pays, voire de l’Europe occidentale, permettrait certainement d’affiner le champ des hypothèses.
Louis Cazaubon
Bonjour.
Je constate que je ne suis pas le seul à m’interroger sur ces traces lapidaires sur des monuments comme des églises, calvaires, croix …
J’ai aussi recensé quelques exemplaires de ces croix boulées. Mais, pour l’instant je n’ai pas vraiment d’explication à avancer. Comme vous avez pu le constater sur notre site SHPDUF, j’ai eu entre les mains l’ouvrage de Serge BONNET qui lui non plus n’avance pas de solution sûre. Il avait pourtant exploré une partie de la région Lorraine !
Votre idée, d’un relevé photographique et d’un mise en commun à l’échelle du pays est séduisante. A creuser.
Paul BASTIEN.
bastien.paul5707@gmail.com
Je viens à l instant de trouver 3 croix boulees et un rond boule comme la photo de Serge bonnet, sur le bas gauche de mon immense cheminée. Je suis de vendee .découvertes surprenantes .fresques ,graffitis…..
On trouve beaucoup de croix boulées sur les petites églises augerones . Les croix sur un triangle sont très fréquentes . Une étude a été faite dans la revue ‘le pays d’auge’ . Mais pas hypothèse sur l’origine de ces croix. La théorie la plus plausible que j’ai trouvé , c’est la possibilité d’un graffiti laissé par les pèlerins . Retrouvez nous sur Instagram #atelier saint benoit
Bonjour,
J’ai l’impression que le phénomène des croix boulées est plus répandu que je ne le croyais ; le nord-est, le Morbihan, la Normandie et certainement ailleurs … Ce qui pose question, c’est leur origine et surtout leur signification. Il semble qu’il ne faut pas oublier la signification religieuse ou plutôt le culte des morts. Certains laissent entendre que cela pourrait être un genre de cadastre de cimetière inventé par les fossoyeurs, inscrit sur les murs des cimetières, pour les familles indigentes qui ne possédaient pas de pierre tombale sur la sépulture des leurs !
C’est une interprétation parmi d’autres certainement.
Vu le 10/09/2021 une croix boulée sur le « lit de St Cado » dans La Chapelle et sur l’île du même nom, en rivière d’Etel Morbihan. Bien éloignée du nord-est ardennais donc !
Le 18/09/2021. Je pense que Serge BONNET dans son ouvrage s’est limité à ce qu’il avait constaté dans sa région, le nord-est de la France. Il est fort possible qu’il n’ait jamais entendu parlé, ni lu une information sur ce sujet, concernant d’autres lieux. Personnellement, j’ai rapporté ce que j’avais constaté dans mon village.
Mais, très intéressé par le fait que cette pratique existait en dans d’autres régions.
P. Bastien.